1919-2008
Maître Jean-Baptiste Depardon nous a quittés le lundi 14 janvier 2008 dans sa 89e année.
Expert en arts martiaux et fondateur avec son épouse du judo club de Vienne en 1946 et du karaté club viennois en 1958, Maître Depardon fut également un héros de la seconde guerre mondiale nommé chevalier de la légion d’honneur en 1993.
Son enterrement a eu lieu le mercredi 16 janvier 2008 en présence de sa famille, d’amis et de nombreux anciens élèves et dirigeants de clubs venus lui rendre un dernier hommage.
L’illustre combattant et résistant de la seconde guerre :
Après son passage au bataillon de Joinville, en mars 1939, il s’engage dans le 13e régiment des tirailleurs Sénégalais. Libéré en mars 1942 il quitte l’Afrique du nord pour revenir à Vienne. En octobre 1942 alors qu’il travaille à la reconstruction du pont sur le Rhône, il se lance dans la résistance à côté de son camarade de chantier Monsieur Monnet héros de la 1ere guerre mondiale qui sera arrêté et périra en déportation.
Dans le groupe qui avait à sa tête messieurs Balme puis Domel, il va être un résistant très actif lors de l’invasion de la zone sud par l’ennemi.
Courageux, très déterminé, Maître Depardon au sein d’une équipe de Viennois et d’habitants de la région n’hésite pas à se livrer à de nombreuses actions très risquées.
Des missions de liaison, de parachutage, de sabotage étaient accomplies par lui des deux côtés du Rhône. Ses différentes actions le mèneront jusqu’au maquis de Goncelin.
A titre d’exemple, citons qu’après avoir fait sauter une locomotive en gare de Chasse sur Rhône, Maître Depardon plongea dans le fleuve pour échapper aux tirs de l’occupant avec l’intention de gagner l’autre rive. Mais malgré le danger, il fut obligé de rebrousser chemin pour récupérer le vélo avec lequel il était venu car celui-ci avait une plaque avec le nom d’un de ses amis preuve que son engagement et son souci de préserver l’homme qui lui avait prêté le vélo allaient au-delà de sa propre vie.
Jusqu’à la libération, il s’active contre l’occupant menant une vie pleine de dangers. Son épouse et sa mère qui le soutenaient devaient prendre de multiples précautions.
Le 1er octobre 1944, un mois après la libération de Vienne, Maître Depardon s’engage dans les F.F.I des Allobroges. Par la suite il passe aux 1ers chasseurs parachutistes, puis au centre d’instruction de Satonay où il est chargé de l’activité sportive.
A la libération, Maître Depardon s’illustre une dernière fois : armé d’un fusil mitrailleur il ne peut empêcher le retour d’un char allemand mais parvient cependant à conduire avec l’aide du résistant Charlieux une trentaine de prisonniers au commissariat.
Maître Depardon obtient une citation comme FFI le 25 avril 1943 signée du Colonel Descours qui lui attribue la croix de guerre avec étoile d’argent.
Le 29 août 1953 un décret lui attribuait la médaille militaire et la croix de guerre avec palme.
Il est titulaire de la croix du combattant volontaire de la résistance.
Reconnaissance suprême il sera nommé chevalier de la légion d’honneur au titre du ministère de la défense et de la guerre pour son remarquable comportement patriotique.
Il recevra plus tard la médaille de la ville de Vienne par Monsieur Mermaz et la médaille du conseil général de l’Isère par Monsieur Remiller, Député-Maire de Vienne.
Maître Depardon et les arts martiaux :
Maître Depardon commence le judo dans les années 40 et fait ses premiers pas avec Maître Kawashi et Awazu, grand maître japonais de l’époque. Maître Depardon crée avec son épouse le judo club de Vienne en 1946. Il obtint sa ceinture noire en 1950 et dut pour cela aller à Paris puisqu’à l’époque le passage était national, tous poids confondus.
Maître Depardon né à Vienne développera dans un premier temps le judo dans cette ville et c’est d’ailleurs le dernier club dans lequel il sera professeur avant sa retraite en 1986.
Le judo club de Vienne commencera rue Cuvière changeant plusieurs fois de lieu, pour finir à l’espace Georges Brun. Les anciens se souviendront du club qui tour à tour sera rue du Cirque puis rue Joseph Martin et enfin à l’ancien lycée de jeunes filles rue Marchande. Parallèlement au club viennois de judo, Maître Depardon crée aussi d’autres clubs à Pt-Eveque, St Jean de Bournay, Villette de Vienne, Chasse , Feyzin, Givors, Mornant, St Alban de Varêze, St Quentin Falavier, Les Roches de Condrieu. Dans tous ces clubs, Maître Depardon permettra à des centaines de judokas de devenir ceintures noires avec pour les plus illustres des 6e dan décernés. Hormis cela, c’est aussi des milliers d’enfants qui connaîtront le judo sous la houlette de ce grand Maître nationalement reconnu. De plus il formera de multiples champions qui brilleront sur le plan national et international avec en point d’orgue des titres de champions d’Europe et un titre de championne du monde.
Maître Depardon fut également professeur de karaté (fondateur du karaté club viennois en 1958) et d’aïkido et de la même façon que pour le judo il participera à l’essor de ces arts à Vienne et dans toute la région. Pour sa formation, il côtoya les grands maîtres japonais de l’époque pour atteindre l’excellence. Monsieur Depardon était également passionné de gymnastique, boxe, lutte et haltérophilie.
Maître Depardon a été un précurseur dans les échanges avec les villes jumelles de Vienne notamment la ville allemande d’Esslingen où il a accompagné plusieurs fois ses judokas : un exemple de réconciliation après les années noires de la seconde guerre.
Maître Depardon a l’estime et l’admiration des milliers d’élèves qui sont passés entre ses mains tout au long des 50 ans de sa vie qu’il a consacré aux arts martiaux. Pionnier dans les années 40, il sera l’artisan dans la région de l’essor de ses disciplines et formera également des dizaines de professeurs qui continuent chacun dans leurs clubs à diffuser le message du Maitre.
L’adieu au Maitre :
Maître Depardon était un professeur brillant, rigoureux, sévère mais juste et bénévole. Il aimait que chacun de ses élèves se donne à fond. Il aimait le geste précis, la recherche technique, la performance en compétition mais aussi il voulait construire des hommes et des femmes ayant acquis les valeurs morales des arts martiaux. Les valeurs de travail, de sérieux, de courage étaient très importantes pour lui et lorsqu’il rappelait un élève à l’ordre, c’était par des expressions très fleuries ou un mot tranchant.
Tout ceux qui ont connus ce grand Maître se souviendront de ce monsieur à la voix forte, passionné et réussissant en plus à transmettre ses passions. Ils se souviendront également d’un homme qui ne comptait pas ses heures avec des cours de janvier à août, les dimanches, les jours de fête. Nombreux sont ceux qui se sont même entraînés le matin de noël ou du jour de l’an. A la fin du cours, monsieur Depardon lançait : « et maintenant vous pouvez allez manger vos chocolats »
Un personnage fort impressionnant, mais ceux qui continuaient à suivre son enseignement découvrait aussi un grand homme au cœur d’or. Humble, il parlait très peu de son passé de héros militaire et des nombreuses distinctions qu’il avait obtenues.